Les cookies sont un fléau, mais le grand Google, a du faire marche arrière et repousser de deux ans, la fin des cookies imposées par les publicitaires.
Les cookies tiers de Chrome seront encore disponibles jusqu’à mi-2023; prévu pour 2022 dans le calendrier initial de Google, l’abandon des cookies tiers sur Chrome est finalement reporté à mi-2023.
Apparemment, avec les tests de l’API FloC qui piétine, les partenaires qui refusent de jouer le jeu ou encore les autorités de régulations qui se questionnent sur la légitimité de Privacy Sandbox, Google a dû ralentir son projet de suppression des cookies tiers.
L’industrie de l’adtech (technologies publicitaires) est partagée entre la réjouissance et l’indifférence d’autant plus que des alternatives pointent déjà leur bout du nez; maintenant que le public doit encore patienter près de 2 ans avant que les cookies tiers disparaissent.
Faisons un point sur ce projet de Google, le bouleversement qu’il cause dans la publicité online, les cris et hurlements des publicitaires du monde entier et surtout les raisons qui ont poussé le géant de Mountain View à repousser l’échéance.
Les cookies tiers de Chrome disponibles jusqu’à mi-2023. Découvrez dans cet article les raisons de ce report.
Sommaires
Cookies tiers de chrome, c’est quoi?
Inventés par les Américains John Giannandrea et Lou Montulli dans les années 90, les cookies ont largement participé à l’amélioration de l’expérience utilisateur. Ces paquets de données collectés et enregistrés par un site web permettent en effet de rendre plus rapide le chargement des pages et d’offrir une expérience personnalisée lorsque l’utilisateur se connecte la prochaine fois.
Généralement ce sont les informations sur les préférences de l’utilisateur qui sont enregistrées, par exemple le choix de la langue, les pages consultées, les identifiants de connexion ou encore le contenu d’un panier.
Là, tout le monde est gagnant: l’utilisateur qui n’a pas à entrer ses identifiants à chaque fois qu’il se connecte, par exemple, mais aussi le propriétaire du site web qui dispose de statistiques comme le temps de consultation d’une page, le taux de rebond, les clics…
Au début, c’étaient seulement les propriétaires des sites web qui stockent les cookies, qu’on appelle précisément first-party cookies ou cookies internes. Mais le développement du marketing en ligne a favorisé l’utilisation de cookies tiers. Ce sont des cookies récoltés par des entités tierces, généralement des régies publicitaires, des plateformes publicitaires ou des agences de mesure d’audience. Comment peuvent-ils accéder à ces paquets de données ?
En plaçant un espion, sous forme de bout de code sur le site web et donc à l’insu des visiteurs. C’était seulement après la mise en application du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) que les éditeurs de sites web ont été contraints d’afficher une fenêtre informant l’utilisation de cookies sur un site web. Les utilisateurs ont désormais le choix d’accepter, de refuser ou de paramétrer les cookies, ce qui n’est pas toujours ni facile ni aisé.
À quoi servent les cookies tiers de Chrome ?
Voici un cas classique que vous avez sûrement expérimenté. Vous vous connectez sur un site web de bien-être et quelques jours plus tard, vous avez une publicité d’une entreprise dans le domaine du bien être sur votre feed Facebook ou Instagram. Bien évidemment, ce n’est pas par un heureux hasard que cette publicité s’est affichée sur votre fil d’actualité. C’est ce qu’on appelle du targeting ou du ciblage. Et c’est faisable seulement grâce aux cookies tiers.
D’ailleurs, Pixel Facebook est le plus populaire des outils publicitaires basés sur les cookies tiers. Grâce à ce morceau de code que vous installez sur votre site web, la firme de Zuckerberg a accès à toutes vos données utilisateurs, tout comme un cookie natif, et peut “tracker” vos visiteurs. Ce qui vous permet d’avoir des données précises d’audiences personnalisées afin d’optimiser votre publicité Facebook et de recibler des personnes qui n’étaient pas encore convaincues d’intégrer votre mailing list.
En revanche, les cookies tiers sont plus intéressants s’ils sont placés sur plusieurs sites web de telle manière que l’annonceur publicitaire qui l’a placé peut littéralement suivre le parcours d’un utilisateur à travers tout le web. En effet, en vous pistant à travers plusieurs sites web, ces cookies tiers récoltent récoltent une quantité importante de données qui vont être synthétisées et analysées.
Cela permettrait à l’annonceur d’afficher des annonces finement ciblées et donc à forte possibilité de conversion. Si on l’explique de manière plus générale, les cookies tiers permettent notamment à long terme de dresser un profil utilisateur à partir des habitudes de navigation.
Privacy Sandbox de Google ou la fin des cookies tiers sur Chrome
C’était en Janvier 2020 que Google a annoncé la suppression progressive des cookies tiers sur son navigateur Chrome. Fin Mars 2020, Apple a également pris la décision de bloquer dans l’immédiat tous les cookies tiers sur Safari, qui rappelons le, ont déjà été très limités depuis 2017.
Il faut dire que dans ce domaine de protection de la vie privée des utilisateurs, Firefox a montré l’exemple en bloquant par défaut les cookies tiers de pistage sur son navigateur dès Septembre 2019, et tous les autres se devaient de suivre.
En ce qui concerne Google, la suppression des cookies tiers entre dans le cadre de la mise en place de l’initiative Privacy Sandbox. Le but ultime de Privacy Sandbox de Google est d’offrir des technologies web permettant à la fois de protéger la vie privée des gens en ligne et d’améliorer les affaires en ligne des entreprises.
“D’une part, les gens ne devraient pas accepter d’être pistés à travers le web dans le but de bénéficier de publicités pertinentes. D’autre part, les annonceurs n’ont pas nécessairement besoin de suivre le parcours d’un utilisateur individuel à travers le web sous prétexte d’améliorer son marketing digital.” Annonçait David Temkin, son directeur de la gestion des produits, confidentialité et confiance des publicités sur le blog de Google.
Ainsi pour Google il ne s’agit pas du tout de mettre fin au suivi en ligne mais plutôt de remplacer le ciblage individuel par le ciblage par cohorte. Le géant de la tech a ainsi développé une série d’API de pistage de groupe notamment le Federated Learning of Cohorts API (FLoC). L’idée est de fournir une technologie innovante permettant de conserver l’anonymat des utilisateurs tout en assurant de collecter des données pertinentes pour les annonceurs.
Vers une nouvelle ère de publicité?
A la suite de cette annonce de Google, les régisseurs publicitaires ont dû basculer progressivement vers des campagnes publicitaires en ligne 3rd party cookieless. Autrement dit, la collecte de données va être seulement basée sur les 1st party cookies ou cookies propriétaires. De nouvelles solutions ont été déjà développées notamment des API dédiées aux tags 1st party et des intégrations server to server.
De l’autre côté, des solutions d’identification innovantes ont vu le jour à l’instar d’Unified ID 2.0 qui est en quelque sorte une alternative solidaire aux cookies tiers. Unified ID 2.0 est basé sur les adresses emails que les visiteurs des sites communiquent de leur plein gré. Ces emails encryptés seront accessibles aux adtechs partenaires qui vont les utiliser pour analyser les comportements des utilisateurs sur plusieurs sites.
Mais vous l’avez compris, la fin des cookies tiers signifie au premier abord la fin de publicité de retargeting et de Pixel Facebook. En revanche, le géant des réseaux sociaux n’allait pas se laisser faire facilement d’autant plus que la majorité des stratégies de marketing digital des entreprises comptaient sur lui.
D’ailleurs, il existe déjà un autre outil appelé conversion API contournant fabuleusement les cookies tiers. Cet outil Facebook permet de collecter les données sur le serveur du site web (et non sur le navigateur) et les communique aux serveurs de Facebook. Alors, ne soyons pas si sûr que la disparition des cookies signerait la fin de la publicité ciblée car l’adtech n’a pas encore dit son dernier mot.
Pourquoi ce report d’échéance des cookies tiers avec Google Chrome?
Privacy Sandbox devait initialement remplir trois rôles: le ciblage publicitaire, la lutte contre les fraudes et la mesure de la conversion. Et à 6 mois près de l’échéance, le chantier est encore en pleine construction. En vérité, Google a seulement avancé sur le côté de ciblage pub à travers les méthodes FLoC ou FLEdge.
Cependant, il faut dire que Privacy Sandbox fait l’objet de nombreuses controverses. D’ailleurs, on soupçonne bien que face au RGPD européen, qu’il s’agisse de ciblage par cohorte ou de ciblage individuel, le risque d’entrave à la vie privée reste toujours prépondérant.
Ensuite, il y a aussi les autres navigateurs, en l’occurrence Firefox et Brave, qui ont déjà déclaré ouvertement qu’ils ne vont pas adopter Privacy Sandbox pour cause d’incompatibilité avec leur politique de protection de la vie privée.
Ce qui réduit à néant l’espoir de Google d’en faire un standard cross-navigateurs. Et apparemment, face au refus de ces deux entreprises connues pour leurs vertus en termes de confidentialité en ligne, le discours de Google semble de moins en moins crédible.
D’ailleurs, Google ne peut pas mener tout le monde en bateau en touchant la corde sensible du pistage en ligne. Les autorités de régulation américaines et anglaises ont flairé anguille sous roche. Elles soupçonnent Google de concurrence déloyale en éliminant les cookies tiers au profit de solutions maisons qui lui permettraient d’exploiter plus encore les données utilisateurs pour son seul intérêt. L’opinion juridique se trouve ainsi partagée entre favoriser la liberté concurrentielle ou protéger la vie privée des utilisateurs.
Quoi qu’il en soit, se heurter à tous ces murs oblige Google à penser deux fois sur sa stratégie. Il est évident que la mise en place de tout l’écosystème autour de Privacy Sandbox nécessite un délai supplémentaire.
“Ce report d’échéance permet d’allouer plus de temps pour la tenue de discussions publiques sur les solutions adéquates et aussi pour les annonceurs et l’industrie de la publicité dans son ensemble de pivoter leurs services.” Explique Google dans un billet de blog.
Le marché publicitaire online va-t-il suivre le tempo de Google ou adopter d’autres solutions déjà en phase de déploiement comme Unified ID 2.0 ou ID5 ? L’univers post cookies tiers serait-il la fin de l’hégémonie de Google?
Auteur Antonio Rodriguez, Directeur Clever Technologies
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