La France dévoile son plan pour une souveraineté numérique européenne; depuis le 01 janvier de cette année, la France préside le Conseil de l’Union européenne et compte faire de la souveraineté numérique européenne l’une des priorités sur lesquelles elle se concentrera au cours de son mandat de six mois.
C’est donc tout logiquement que la France a présidé la conférence « Construire la souveraineté numérique de l’Europe », qui s’est tenue le 7 et le 8 février derniers à Bercy au cours de laquelle les quatre piliers qui composent la souveraineté numérique de l’Europe ont été dévoilés.
L’événement de deux jours a également mis en lumière l’initiative Scale-up Europe, lancée en mars 2021 en partenariat avec la Commission européenne, pour créer 10 géants technologiques valorisés à plus de 100 Md€ chacun au sein de l’Union européenne d’ici 2030.
La France dévoile son plan pour une souveraineté numérique européenne; Des annonces ont été faites sur la démarche concrète à suivre, les investissements à faire et les actions précises à mener pour permettre à l’Europe d’atteindre cet objectif.
Sommaires
La France qui réaffirme son ambition d’une Europe souveraine
En 2017, la France, par le biais du président de la république Emmanuel Macron, a tenu un discours motivant et patriote pour une Europe souveraine, unie et démocratique. Malheureusement, 5 ans se sont écoulés et peu de choses ont évolué dans ce domaine. L’Europe demeure toujours aujourd’hui très loin de grandes puissances comme les Etats-Unis que ce soit en terme de technologies, d’infrastructures ou bien de talents.
Pour la France, cette conférence était donc l’occasion de réaffirmer son ambition d’une Europe indépendante et plus ferme sur ses positions. Lors de sa prise de parole, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, a affirmé que l’enjeu réel de souveraineté numérique n’était pas seulement économique. Il serait surtout politique, car aujourd’hui il ne peut y avoir une souveraineté politique sans souveraineté technologique et énergétique.
Selon lui, l’Union européenne doit impérativement développer massivement ses capacités (technologiques) de production pour ne plus dépendre des autres grandes puissances comme les États-Unis ou la Chine et ne plus être politiquement dominée ou influencée par ces derniers.
Souveraineté numérique de l’Europe construite sur 4 grands piliers
Lors de la première journée, l’accent a été mis sur « les quatre piliers sous-tendant la souveraineté numérique européenne », à savoir la sécurité, l’innovation, la réglementation et enfin les valeurs et l’ouverture, que nous détaillons ci-après
La conférence s’articule autour de quatre piliers:
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L’Union européenne, puissance protectrice,
Passe par le renforcement de la sécurité des citoyens, des peuples et des services publics et des entreprises dans le cyberespace et l’établissement d’une stratégie industrielle des données résistant aux lois extraterritoriales.
La Commission européenne défend le multilatéralisme et un ordre mondial fondé sur des règles, en permettant à l’UE (Union Européenne) de jouer un rôle plus actif et de s’exprimer d’une voix plus forte sur la scène internationale.
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L’Union européenne, puissance normative, au service de la promotion des valeurs fondamentales,
Soutient le renforcement des institutions démocratiques, promeut le rétablissement de règles du jeu équitables pour les entreprises sur le marché unique numérique et propose un socle nouveau de réglementations afin de mieux responsabiliser les acteurs du numérique.
L’union Européenne est et reste intrinsèquement fondée sur le droit, de fait elle est tournée vers la défense des intérêts et des valeurs adossés à un droit spécifique. C’est une organisation fondée sur le droit qui lui confère puissance et capacité d’influence avérées.
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L’Union européenne, puissance d’innovation,
Est attractive pour les investisseurs étrangers et pour les talents étrangers et garantit les conditions pour l’émergence d’entreprises technologiques de rang mondial, car le secteur industriel en Europe qui représente, près d’un quart du PIB Européen.
Il doit faire face à une concurrence mondiale, de plus en plus effrénée, et c’est pour cela que l’Union européenne cherche à favoriser son développement en finançant des projets d’envergure et en édictant un certain nombre de règles, pour que le marché soit le plus équilibré possible
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L’Union européenne, puissance d’ouverture,
Favorise les standards libres et ouverts, soutient la création d’infrastructures logicielles et matérielles, ouvertes et partagées en tant que communs numériques mondiaux, et y contribue d’un point de vue technologique et financier.
L’Union Européenne reste quand même et de loin, la 2ème puissance économique mondiale, elle représente près de 18 % du PIB mondial, derrière les Etats Unis (25 %), mais devant la Chine (17,4 %), et le Japon (6 %), ce qui lui donne des droits, mais lui impose des obligations.
Union Européenne, puissance de très haut niveau.
Ceux-ci incluent la garantie du rôle de l’Union européenne en tant que « pouvoir d’innovation » en attirant des investisseurs étrangers et des talents étrangers, ainsi que de garantir le rôle de l’UE en tant que « pouvoir d’ouverture » en encourageant des normes numériques libres, ouvertes et partagées.
Toujours dans cette optique d’ouverture, l’Union européenne va également devoir investir massivement pour soutenir la construction d’infrastructures physiques et logicielles ouvertes et partagées dans les biens communs numériques mondiaux.
Il a aussi été souligné que l’Union Europe doit jouer le rôle d’une puissance protectrice en mettant en œuvre des actions qui renforceront « la sécurité des citoyens, des services publics et des entreprises dans le cyberespace ».
Sachant que très souvent les lois extraterritoriales posent des problèmes, l’UE doit aussi déjà penser à définir une stratégie de données industrielles qui puisse constituer un rempart, surtout pour résister et faire face aux mastodontes mondiaux que constituent les GAFAM.
Scale-Up Europe : 1 milliard d’euros, dans les startups européennes
Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire a également déclaré que « l’accès à des niveaux de financement plus élevés sera essentiel pour permettre à l’Europe de réduire sa dépendance aux géants de la technologie étrangère ».
Ainsi, lors de la seconde journée de la conférence, l’annonce d’un investissement d’un milliard d’euros dans les startups européennes via l’initiative Scale-Up Europe a été faite. Ce premier milliard investi contribuera à former 10 supergéants de la tech valorisés chacun 100 milliards de dollars à l’horizon 2030, a détaillé Bruno Le Maire.
Pour rappel, l’initiative Scale-Up Europe réunit plus de 200 des esprits les plus brillants de l’écosystème de démarrage européen et vise l’objectif de faciliter et favoriser l’émergence de champions technologiques européens.
Les actions entreprises dans le cadre de cette initiative concerneront surtout :
- L’attraction et la formation des talents,
- L’accès aux financements,
- La collaboration entre les startups et les grands groupes,
- Et enfin, le développement des technologies de rupture.
La France qui injectera 300 millions d’euros dans le PIIEC sur le cloud souverain
Dans ces moments de pandémie, de télétravail et de vidéoconférence répétée, la question de la protection des données est encore plus aiguë. C’est pourquoi l’idée d’un nuage européen (espace de stockage numérique,Cloud) revient au centre du débat.
Pour Bruno Le Maire, l’Europe doit être en mesure de pouvoir construire lui-même le monde numérique qu’il souhaite avoir, confie-t-il. C’est pourquoi les pays membres doivent travailler ensemble sur un projet européen commun d’infrastructures cloud.
En octobre 2021, Bruno Le Maire avait déjà mentionné la somme de « 300 millions d’euros dans le financement public pour soutenir nos fabricants dans la technologie Cloud », une déclaration qu’il a réitérée lors de la conférence qui s’est tenue le 7 et le 8 février.
Pour rappel, en plus de la France, l’Allemagne, la Belgique, la République tchèque, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, la Pologne, la Slovénie, l’Espagne et les Pays-Bas font aussi partie de ce projet européen de Cloud souverain. Un projet qui au total mobilisera environ 7 milliards d’euros de financements publics et privés européens.
La régulation au cœur de l’opération
L’Union européenne, avec la présentation du Digital Markets Act (DMA), un texte qui vise à prévenir les abus de position dominante de géants du numérique en donnant un pouvoir de contrôle et de sanction aux états, souhaite pour la souveraineté numérique européenne adopter un modèle qui diffère de celui des Etats-Unis ou encore de la Chine.
« La régulation en Chine, c’est le contrôle par l’Etat, aux Etats-Unis il n’y en a pas (ou plutôt aux mains de géants privés) » a pointé Bruno Le Maire. En Europe, a-t-il expliqué, ce ne sera ni l’un ni l’autre. La souveraineté sera aux mains du peuple européen, a-t-il déclaré.
Antonio Rodriguez, Editeur et Directeur de Clever Technologies.